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Séance 1 – Introduction & Avant-contrats

I. Introduction au droit des contrats spéciaux

Les contrats sont de véritables instruments juridiques et économiques. Ils permettent la bonne vie des affaires et le commerce entre particuliers. Leur encadrement est donc primordial pour que chaque partie soit protégée. Avant de commencer leur étude, il nous faut donc envisager leur régime.

A) Définitions et sources du droit des contrats spéciaux

⚖️ Définition :
Pour rappel, un contrat est un instrument juridique qui permet d’encadrer les liens, les obligations et les enjeux présents entre les contractants, que l’on nomme aussi les parties.

En droit français, on distingue la théorie générale relative au droit des contrats, que l’on nomme droit des obligations, et le droit des contrats spéciaux.

Le droit des obligations est la base commune à tous les contrats. Il a été réformé par une ordonnance du 10 février 2016, à laquelle il sera régulièrement fait référence.

Par opposition aux règles vastes et générales qu’il prévoit, se trouve le droit des contrats spéciaux. Ces règles s’appliquent à des contrats spécifiques.

🧠 A retenir : 
Les contrats spéciaux, pour être valablement formés, doivent répondre aux règles du droit des obligations, ainsi qu’aux règles du droit des contrats spéciaux (art. 1105 C. civ.).

Pour déterminer quel type de contrat est étudié, il suffit de déterminer s’il existe un « moule préexistant créé par le législateur ». S’il correspond à un contrat déjà préétabli et réglementé, il s’agit d’un contrat spécial – autrement, il s’agira d’un contrat sui generis. (Farhi, S. (2020). Droit des contrats spéciaux : Cours intégral et synthétique, GUALINO.)

⚖️ Définition :
La locution latine sui generis signifie que la notion dont il est question est inédite, et ne peut être rattachée à aucun concept juridique préexistant.

La loi et la jurisprudence sont les principales sources du droit des contrats spéciaux, mais on trouve également parfois d’autres textes, comme le Code de commerce ou le Code de la consommation.

B) Évolution des contrats spéciaux

Pendant longtemps, les contrats étaient passés avec une grande liberté. L’autonomie dans le contrat permettait aux individus de l’aménager selon leurs besoins.

Néanmoins, le contrat demeure un instrument juridique et économique. Le législateur a donc multiplié les règlementations contraignantes pour le contrat, tant sur le fond que sur la forme.

Bien que la liberté contractuelle reste d’actualité, l’ensemble des règles posées par le droit des obligations et le droit des contrats spéciaux doit être respecté.

En outre, face à la dématérialisation des contrats et l’importance du e-commerce, les règlementations ont dû être adaptées, pour protéger le consommateur.

C) Validité des contrats spéciaux

L’article 1128 du Code civil énonce les conditions de validité des contrats : l’existence d’un consentement valable, la capacité des parties et l’objet licite et certain.

1) L’existence d’un consentement

⚖️ Définition :
Le consentement est la manifestation pure de la volonté d’un individu.

Il ne suffit pas que le consentement ait été donné pour que le contrat soit valide. Il faut qu’il soit certain et éclairé. Il faut donc être sain d’esprit pour donner un consentement (art. 1129 C. civ.).

Le consentement ne doit pas être vicié : s’il a été obtenu par violence, contrainte, dol, erreur, il ne sera pas valide (art. 1130 C. civ.).

🛠️ Exemple :
Proposer sciemment à quelqu’un d’acheter un véhicule accidenté, sans le lui dire, constitue une réticence dolosive. L’acheteur, qui l’ignore, donnera un consentement vicié. S’il avait eu connaissance de cette information,  il n’aurait sans doute pas consenti à la vente.

2) La capacité de contracter

⚖️ Définition :
La capacité juridique est la capacité pour un citoyen d’exercer ses droits et de respecter ses devoirs.

Toute personne majeure et capable est en mesure de contracter. Seuls les mineurs non-émancipés et les majeurs protégés, qui sont incapables aux yeux de la loi, ne le peuvent pas (art. 1146 C. civ.).

3) Un objet licite et certain

La licéité de l’objet signifie que :

– Tout bien hors-commerce (les éléments du corps humain, par exemple) ;

– Tout bien qui déroge à l’ordre public (la drogue, les armes) ;

ne peuvent faire l’objet d’un contrat (art. 1162 C. civ.).

L’objet doit être certain, ce qui implique qu’il doit être déterminé ou déterminable (art. 1163 C. civ.).

🛠️ Exemple :
Un contrat de vente d’un kilo de pommes ne permet pas de déterminer à l’avance quels fruits seront choisis, mais permet de déterminer la quantité. L’objet est donc déterminable.

🧠 A retenir :
L’absence de consentement, de capacité de contracter, ou d’objet licite et certain, sont des conditions de nullité du contrat.

II. Les avant-contrats

La phase précontractuelle, qui n’est pas obligatoire, peut permettre aux contractants d’anticiper la conclusion du futur contrat. Pour cela, ils peuvent utiliser des avant-contrats.

⚖️ Définition :
Un avant-contrat est un contrat préparatoire, qui va permettre de réglementer les modalités du futur contrat.

Quels sont les différents avant-contrats ? Quelles obligations en découlent ?

A) Le pacte de préférence

Bien qu’utilisé depuis longtemps dans la pratique, le pacte de préférence n’a été codifié dans le Code civil qu’avec l’ordonnance du 10 février 2016.

⚖️ Définition :
Le pacte de préférence est un contrat à part entière. Le propriétaire d’un bien s’engage à le proposer en priorité à un individu s’il décidait de le vendre (art. 1123 C. civ.).

⚠️ Attention :
Il n’y a ni obligation de vendre, ni obligation d’acheter dans le pacte de préférence. Le bénéficiaire ne peut pas contraindre le promettant à vendre.

Si le propriétaire vend son bien sans en avoir informé le bénéficiaire du pacte de préférence, celui-ci peut obtenir une réparation pour ce préjudice.

Cette réparation est difficile à obtenir car elle suppose que le tiers de mauvaise foi, qui a bénéficié de la vente, ait eu connaissance :

– de l’existence du pacte de préférence ;

– de la volonté du bénéficiaire de faire jouer son pacte de préférence.

On distingue alors deux situations :

– si le tiers est de bonne foi, la vente restera valable. Le bénéficiaire du pacte pourra simplement demander une réparation au promettant (art. 1123 al. 2 C. civ).

– si le tiers est de mauvaise foi, le bénéficiaire du pacte pourra demander au juge l’annulation de la vente litigieuse, ou la substitution à l’acheteur. La Cour de cassation a confirmé cette possibilité dans un arrêt de chambre mixte du 26 mai 2006 (n° 03-19.376).

🛠️ Exemple :
M. Ted conclut un pacte de préférence avec M. Marshall sur son appartement. Il décide de le vendre, et sans en informer M. Marshall, il le vend à Mme Lily. Si celle-ci avait connaissance de l’existence du pacte, et savait que M. Marshall souhaitait en faire usage, ce dernier pourra demander l’annulation de la vente, et prendra la place de Mme Lily.

B) Le contrat-cadre

⚖️ Définition :
Le contrat-cadre est un avant-contrat qui permet aux parties de définir à l’avance les relations contractuelles à venir (art. 1111 C. civ.).

Le contrat-cadre a été inséré dans le Code civil par l’ordonnance du 10 février 2016. Il est souvent utilisé dans les contrats de distribution, pour éviter aux partenaires commerciaux de négocier à chaque nouvelle opération.

 Une fois le contrat-cadre passé, les parties vont conclure des contrats d’application qui vont établir les modalités à prévoir.

⚠️ Attention :
On ne présume pas le consentement pour chaque contrat d’application à venir. Le consentement devra être ré-exprimé systématiquement par les parties, à chaque nouveau contrat, même si elles sont d’accord sur le fond.

Si le contrat-cadre prévoit une exclusivité (entre un distributeur et un fournisseur par exemple), il existe une importante obligation d’information (art. L330-3 C. com.).

L’exclusivité ne doit pas dépasser une période de 10 ans (art. L330-1 C. com.).

🧠 A retenir :
Le contrat-cadre est valide même si le prix n’est pas fixé à l’avance.

L’Assemblée plénière de la Cour de cassation, dans deux arrêts du 1er décembre 1995, a en effet admis l’indétermination du prix (n° 91-15.578 et n° 91-19.653). En revanche, le juge peut sanctionner l’abus de position dominante, si un contractant profite de sa position pour imposer un prix déraisonnable.

C) Les promesses de vente

Il existe deux types de promesses : la promesse unilatérale de vente (PUV) et la promesse synallagmatique de vente (PSV).

 Quelles sont les différences entre les deux promesses ? Quelles obligations entraînent-elles pour les promettants ?

1)  La promesse unilatérale de vente

⚖️ Définition :
La PUV est un contrat dans lequel le promettant propose son bien à la vente, laissant au bénéficiaire le choix de l’acheter ou non (art. 1124 C. civ.). S’il accepte, on dit qu’il lève l’option.

La PUV n’a besoin que du consentement du bénéficiaire pour se transformer en vente.

Elle peut être :

– assortie d’un délai, et dans ce cas si l’option n’est pas levée pendant le temps imparti, la promesse devient caduque.

– à durée indéterminée, et le bénéficiaire aura 5 ans pour agir (il s’agit de la prescription de droit commun).

⚠️ Attention :
La PUV n’est pas une vente ! C’est bien un contrat, mais elle est distincte de la vente qu’elle prévoit.

Le promettant est tenu par la force obligatoire de la promesse, ce qui se manifeste par deux éléments principaux :

  • Il ne peut pas se rétracter de sa promesse
    Pendant longtemps, les juges ont considéré que le promettant pouvait se rétracter de sa promesse si le bénéficiaire n’avait pas encore levé l’option. La Cour de cassation avait affirmé ce principe dans l’arrêt Consorts Cruz, du 15 décembre 1993 (Civ. 3, n°91-10.199).
    L’ordonnance du 10 février 2016 a affirmé le contraire, affirmant que même si le promettant se rétracte, le bénéficiaire peut lever l’option, et la vente sera valablement formée (art. 1124 al. 2 C. civ.).
    La Cour de cassation s’est alors alignée sur cette position (23 juin 2021, n°20-17.554).

🧠 A retenir :
Cette évolution jurisprudentielle et législative est importante. Elle témoigne du renforcement de la force obligatoire de la promesse, et prouve l’importance du consentement.

  • Il ne peut contracter avec une personne tierce
    Dès qu’il a contracté la PUV, le promettant est tenu par ce contrat : il ne peut pas vendre son bien à une personne tierce.
    Dans ce cas-là, il suffit de prouver que le tiers est de mauvaise foi et qu’il connaissait l’existence de la PUV pour que la vente soit nulle (art. 1124 al. 3 C. civ.). La meilleure solution reste alors de publier la PUV pour protéger le bénéficiaire.

2)   La promesse synallagmatique de vente

⚖️ Définition :
La PSV est le contrat par lequel un promettant s’engage à vendre un bien, et un bénéficiaire à l’acheter. Elle implique qu’il y ait consentement sur la chose et le prix (art. 1589 C. civ.).

L’article 1589 du Code civil dispose que la promesse vaut vente. Il s’agit donc d’un contrat valablement formé, mais dont les effets sont différés.

Néanmoins, les parties peuvent prévoir au contrat que la vente ne sera valablement formée qu’en présence d’une condition suspensive. À ce moment-là, la PSV sera valable, mais la vente ne prendra effet que si la condition se réalise.

🛠️ Exemple :
Un compromis de vente, en matière immobilière, est une PSV. Généralement, il est assorti d’une condition suspensive, qui est l’obtention d’un prêt. La PSV est valable, mais la vente ne sera effective que lorsque l’acheteur aura obtenu son financement.

🧠 A retenir :
Dans le cas d’une vente immobilière pour un bien à usage d’habitation, si l’acheteur n’est pas un professionnel, il dispose d’un délai de rétractation de 10 jours (art. L271-1 C. conso.).

Que se passerait-t-il en cas de non-respect de la PSV ?

On distingue trois situations :

– La PSV n’était soumise à aucune condition suspensive, et elle valait vente. Le contractant lésé peut donc demander l’exécution forcée (art. 1217 C. civ.).

– La PSV était soumise à une condition suspensive, et elle ne valait pas vente. Il ne peut y avoir d’exécution forcée, mais seulement une réparation en dommages-intérêts (art. 1217 C. civ.).

– Le promettant a violé la PSV et a vendu à une tierce personne. Si la PSV a été publiée, elle est opposable aux tiers et aucune vente ne peut être conclue avec un tiers. En revanche, si la PSV n’a pas été publiée, la vente avec un tiers demeurera valable. L’acheteur lésé pourra engager la responsabilité délictuelle du tiers, et la responsabilité contractuelle du promettant.